L'intermodalité pour développer les strates du langage écrit.
La lecture est une activité complexe qui implique une multitude d'opérations parfaitement connectées entre elles: reconnaissance des graphèmes, transcodage grapho-phonémique, assemblage syllabique, traitement linéaire de l'information visuelle, reconnaissance des mots, accès lexical, prise en compte du contexte, inférences sémantiques, activation de la mémoire de travail, récupération d'informations stockées en mémoire à long terme.
Passé la période d'apprentissage et d'automatisation (en gros du CP à la fin du CE2) ces opérations se font en un seul mouvement. Le lecteur active un large réseau qui implique les aires visuelles, motrices, auditives, sémantiques, mnésiques, etc. Il n'y a pas une zone spécifique de la lecture dans le cerveau mais un réseau qui utilise à son propre compte des aires qui sont aussi utilisées dans d'autres fonctions, comme nous apprennent les théories connexionnistes.
Si ce réseau existe, c'est parce qu'il a été entraîné au cours de l'apprentissage.
Il n'y a rien d'étonnant à ce que l'on constate généralement que la vitesse de lecture des dyslexiques ne dépasse pas le CE2. Je parle de vitesse de lecture pas de compréhension en lecture. Ceci est un indice de défaut d'automatisation.
Donc, pour prévenir ce défaut d'automatisation, il convient d'orienter l'apprentissage chez les enfants à risque en développant très tôt l'intermodalité de manière à aller progressivement vers une représentation complexe et connectée où les différentes opérations se font en réseau et non de manière successive.
Ainsi, j'ai insisté lors des derniers posts sur le transcodage et la vraie nature des phonèmes et donc de leur représentation par les graphèmes. Cela doit être intégré dès le départ dans une démarche sémantique.
je donne cette carte avec un mot écrit.
Un minimum de compétence de transcodage est requis pour prononcer cette séquence.
Si je demande seulement de lire le mot et que je ne donne aucune image j'ai beaucoup moins stimulé l'intermodalité que si, après avoir lu le mot, le petit lecteur retourne l'image et voit ceci.
Avant de retourner l'image, il fait de la recherche sémantique en même temps que du décodage.
Plus il va y avoir de mots / images, plus il va prendre de plaisir à chercher les significations. Le fait d'être dans un thème (ici les pirates) soutient son attention et son plaisir d'apprendre à lire. et ceci autant plus que je lui ai laissé le choix du thème. Le fait de donner de jolies images avec de belles illustrations est capital pour la motivation.
En revanche si je présente ceci: le mot écrit et l'image côte à côte.
Je lui ai facilité la tâche mais je n'ai pas stimulé la recherche d'accès au sens par l'intermédiaire du décryptage du mot.
LA RÉÉDUCATION SE JOUE DANS LES DÉTAILS
Et si maintenant je présente ceci:
Je suis en début d'apprentissage et il ne connaît pas "in". Malgré tout il va chercher à suppléer car il a envie de savoir ce qui se cache au verso de l'image. A vous de savoir si vous l'aidez ou si vous le laissez chercher. (Il m'arrive parfois de dire aux enfants "toi tu lis tout ce que tu peux et moi je te lis ce que tu n'arrives pas à lire")
Le dessin va le récompenser de sa recherche. Il peut très bien retourner l'image même s'il n'a pas identifié le mot. Il a cherché, donc il a activé quelque chose qui nous intéresse. Lorsqu'il voit le dessin, il retournera peut-être à nouveau la carte pour observer comme ce mot était écrit.
Puisqu'il ne maîtrise pas le "in", vous allez embrayer sur le mot clé du "in, l'entraînement à lire graphèmes syllabes et mots. puis revenir à votre lecture d'images et petit à petit monter la lecture avec toutes ses composantes.
Dans mon prochain post j'expliquerai le retour au mot clé, l'entraînement, le conditionnement et le passage du conditionnement à l'automatisation pour la suite de la séance.
Ce que je voudrais vous faire déjà sentir c'est cette démarche qui mêle les strates linguistiques afin qu'elles s'étayent les unes les autres. Il faut le faire avec méthode et logique et une bonne connaissance des contraintes d'apprentissage du système alphabétique.