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Le système alphabétique: des contraintes visuelles particulières.


Ceci est un éléphant tourné vers la droite.

Ceci est un éléphant tourné vers la gauche.

Un dessin a la même signification quelque soit son orientation. L'orientation n'est pas pertinente pour comprendre un dessin. Même si je le montre la tête en bas, mon éléphant restera un éléphant.

Ceci est une flèche m'indiquant d'aller à droite.

Ceci est une flèche m'indiquant d'aller à gauche.

Nous ne sommes plus dans le dessin mais dans le symbole. Ceci est une flèche mais c'est plus qu'une flèche, c'est une convention (assez simple et assez claire) m'indiquant la direction dans laquelle je dois regarder. Je dois donc accorder une valeur à l'orientation.

Ceci est un b.

Ceci n'est pas un b à l'envers, mais un d.

Le d n'est pas un b à l'envers c'est tout à fait autre chose.

Ces deux éléments ne sont pas des dessins, ce ne sont pas non plus des symboles, ce sont des SIGNES linguistiques qui représentent des phonèmes différents. Ils sont associés aux phonèmes qu'ils représentent par une convention ARBITRAIRE.

l'arbitraire du signe est l'un des fondements de la fonction linguistique (voir le cours de linguistique générale de De Saussure).

Arbitraire, donc social. Dans un groupe humain donné un signe a une signification particulière qu'il n'a pas dans un autre groupe social. Par exemple si je prononce la séquence phonologique (gato) et que je suis français je parle d'un biscuit. En revanche si je prononce la séquence (gato) et que je suis espagnol je parle d'un chat. La même séquence n'est pas associée au même objet. C'est l'arbitraire du signe.

Les symboles sont plus faciles à décrypter que les signes car ils conservent une certaine ressemblance avec ce qu'ils désignent. Ainsi, allez dans n'importe quel aéroport, dans n'importe quel pays du monde, même si l'écriture de ce pays est totalement différente de la vôtre, vous trouverez les toilettes. Elles seront indiquées par un symbole.

En ce qui concerne le signes, le rapport avec ce qu'ils représentent est arbitraire et doit être transmis, enseigné. À l'école on apprend aux enfants qu'un b et un d sont différents mais, bien souvent, on oublie de leur faire intégrer et AUTOMATISER que c'est l'orientation du signe qui est pertinente. La plupart des enfants le comprennent spontanément. Mais 10 à 25% des enfants ont besoin d'explications et de plus d'entraînement que les autres pour l'intégrer. Si l'on passe un peu plus de temps avec eux, dans une interaction directe, on va lever l'ambiguité. Si l'on laisse faire et que l'on ne se rend même pas compte qu'ils n'accordent pas de valeur à l'orientation, ne nous étonnons pas qu'ils développent une dyslexie. Car l'orientation va être sollicitée pour cette lettre et pour d'autres, la place des lettres dans le groupe, procédant du même arbitraire, va être sollicitée pour reconnaître des mots proches (tour, trou) ou des graphèmes complexes (ain, ian), etc.

Apprendre à lire à des enfants à risque ce n'est pas seulement leur enseigner des connaissances déclaratives (c'est un b et c'est un d) mais des connaissances procédurales (se détacher de la forme globale pour accorder une valeur à l'orientation par exemple).

Et pourquoi est-ce si important de distinguer b de d? parce que une bouche n'est pas une douche. Pourquoi la place relative des signes à l'intérieur de la forme globale est-elle si importante? Parce que "j'ai fait un trou dan le jardin" n'est pas la même chose que "j'ai fait un tour dans le jardin".

L'association graphème / phonème est un moyen de distinguer une signification d'une autre, une condition nécessaire mais non suffisante. Si ce travail n'est pas associé très tôt à un décryptage de mots nous sommes loin du compte. (Nous détaillerons ce point ultérieurement).

On a tendance à classer les différentes confusions en confusions auditives (p/b) visuelles (b/d) articulatoires (p/t). En réalité toutes les confusions sont articulatoires. Ou plus exactement toutes les confusions sont liées à la difficulté d'associer une valeur articulatoire stable aux graphèmes, c'est à dire de les traiter de manière plurimodale: là où je vois bouche j'évoque le mot bouche et l'objet bouche, là où je vois douche j'évoque le mot douche et l'objet douche (rapidement, automatiquement et sans ambiguité).

Cette procédure doit être entraînée.

Je ne nie pas, bien entendu, que certains enfants aient de réelles difficultés de représentation visuo-spatiale. mais ceux-là ont beaucoup de mal avec les dessins, les déplacements dans l'espace, etc. Ils sont beaucoup moins nombreux que la horde des mauvais lecteurs qui n'ont pas automatisé la valeur sémiotique de l'orientation des lettres.

Pour vérifier si une confusion est purement visuelle je vous propose donc de poursuivre cet entraînement par fiche.

faites distinguer b d comme initiale de la prononciation du mot en faisant porter l'attention de l'enfant sur les positions articulatoires (comme nous l'avons expliqué à plusieurs reprises).

Maintenant donnez cette fiche en laissant les mots clés devant l'enfant et demandez lui de prononcer ballon domino ballon domino ballon domino domino domino, etc (la rupture de rythme est voulue pour aller vers l'automatisation).

Demandez lui ensuite de ne plus prononcer les mots ballon et domino mais seulement b et d (pas be et de ni bé et dé).

Si vous constatez une différence entre la première procédure et la seconde c'est que le problème n'est pas de percevoir l'orientation des lettres, ni même de l'associer à une séquence verbale mais bien de lui accorder une valeur phonémique.

Comme il n'y a pas de différence sourde/sonore entre ces 2 phonèmes, nous avons écrit les d en gras afin de faciliter la discrimination.

Supprimez l'indice de couleur et vous progresserez vers l'automatisation.

Bien entendu dans une séance Redlec cet entraînement ne doit pas dépasser un tiers de la séance environ. Il doit toujours être couplé avec un travail sur les mots et rapidement sur les phrases.

Ces exercices, ici présentés dans une démarche de prévention, sont tout aussi valables dans une démarche de remédiation.

Nous en parlerons plus tard.


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