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C'est en babillant qu'on apprend à lire.

Pour Jakobson, le langage est constitué de strates qui s'étayent les uns les autres. Dans le développement du langage, une strate se met en place alors que la strate précédente n'est pas encore stabilisée et vient la renforcer. Ainsi nous pouvons considérer qu'il existe 4 strates:

La strate prosodique, première acquise. Dès la lallation, l'enfant produit des émissions signifiantes qui expriment ses états émotionnels et sensoriels et toute mère reconnaît si les émissions de son nourrisson expriment l'insatisfaction, la douleur, la faim, le contentement, etc.

Très rapidement apparaît la strate phonologique. Au cours de ce stade, alors que la prosodie n'est pas encore parfaite et constitue des lignes mélodiques dans lesquelles les accents toniques et le rythme segmental ne sont pas encore parfaitement installés, l'enfant commence à babiller et à produire des sons de plus en plus proches des syllabes de sa langue.

Au cours de cette strate, il reconnaît et segmente le continuum sonore en même temps qu'il exerce ses articulateurs. il essaie inlassablement de reproduire ce qu'il entend. Il joue avec ses articulateurs en même temps qu'il communique avec son entourage. Plus il babille, plus la ligne prosodique s'enrichit, plus la communication avec son entourage se développe et plus sa compréhension évolue. Hasard de lignes de développement qui s'entrecroisent? Non! étayage mutuel.

C'est au cours de cette strate que se développe une bonne connexion entre les entrées perceptives auditives et les sorties motrices articulatoires et que s'organise le réseau cérébral apte à faire du langage. c'est au cours de cette strate que commence à se développer la représentation implicite de la parole (que certains psycholinguistes nomment épiphonologie). C'est parce que les bébés babilleurs font correspondre par tâtonnement et entraînement intensif les syllabes entendues et les phonèmes prononcés que cette compétence phonologique se développe. Ils essaient inlassablement de reproduire ce qu'ils entendent et ajustent peu à peu leurs productions.

C'est cette compétence acquise dans l'acharnement des bébés à reproduire que se construit la capacité ultérieure à entrer sans encombres dans le système alphabétique.

La strate suivante est la strate lexicale. Elle commence à se développer bien avant que le stade phonologique soit accompli. Elle étaye le stade phonologique. Les bébés prononcent des mots que leur entourage reconnaît, bien avant que ces mots ne soient parfaitement articulés. Plus les productions de l'enfant sont reconnues comme signifiantes par son entourage, plus il est encouragé à les ajuster et mieux il comprend son entourage. Par le feed back autocorrectif l'entourage donne sens aux tentatives de production de l'enfant.

La dernière strate est la strate morpho-syntaxique. Elle commence bien avant que le stock lexical ne soit constitué. Holophrases, tentatives de régularisations morphologiques sont autant d'essais et erreurs qui participent à la construction de la langue.

Alors, encore une fois:

Oralisation de la lecture pourquoi? Pour réactiver la strate phonologique si des circonstances ont empêché son installation au bon moment.

Mais oralisation comment? En faisant un va et viens continuel entre les unités phonologiques et les unités lexicales et syntaxiques.

Un trouble du langage c'est une structuration bancale dans laquelle les différentes strates ne se sont pas "pétries" entre elles correctement.

L'art de la rééducation est dans ce nouveau pétrissage. Le langage écrit est un formidable outil pour "repétrir" du phonologico-lexical à un moment où la fenêtre développementale est dépassée.


 

© 2016 par Sylvie RAYNAUD.

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