Lire des mots pour activer les réseaux lexicaux.
Un autre exemple d'insertion de la lecture de mots dans une démarche de rééducation de la lecture.
J'ai parlé il y a deux jours de cette jeune fille pour qui la lecture des mots a été couplée avec la lecture de textes segmentés. Pour cette jeune fille nous n'avons pratiquement pas utilisé les fiches d'entraînement qui n'étaient pas nécessaires. Elle connaissait les règles de transcodage, mais comme tout cela était laborieux, elle les contournait systématiquement soit par une prise d'indices partiels, soit pas l'enveloppe globale. Lire des mots avec contexte différé et des textes segmentés l'a aidée à sortir de cette stratégie trop figée pour être efficace.
Aujourd'hui, je vais vous donner un autre exemple. Voilà un petit garçon qui arrive en CE2 avec des difficultés de lecture très importantes: des confusions, inversions, substitutions tellement nombreuses que sa lecture est totalement ânonnée, ne le conduisant pas au sens. Il est découragé et opposant en classe, présente des séquelles de retard de langage et des troubles attentionnels. Nous ne détaillerons pas ici son histoire familiale mais elle est très douloureuse et explique une partie de ses comportements et de la manière dont nous avons utilisé la lecture de mots.
Au cours de la première séance de rééducation, je lui explique que nous allons voir comment il se débrouille pour lire des mots et que, en fonction de ce qui va se passer je pourrai lui proposer des choses pour l'aider. Il choisit les mots du mystère. Beaucoup d'erreurs évidemment, peu de choses identifiées, mais l'exercice lui plaît. Il aime retourner les cartes pour voir les dessins au dos.
Nous commençons les séances avec quelques mots: 5 ou 6 pas plus. Il comprend vite l'intérêt de la chose. Comme il sait qu'au mot écrit correspond un dessin au verso de la carte, il s'applique à trouver des mots et à se détacher des syllabes laborieusement ânonnées. Lorsqu'il se trompe il glisse le mot sous la pile et lit le mot suivant. Lorsque le mot revient sur le dessus de la pile, il le reconnaît et le dit correctement cette fois. En faisant cela, nous activons l'assemblage pour la première lecture et l'adressage pour la relecture. je tiens à dire qu'avec ce procédé les enfants ne se lassent pas aussi vite de lire les mots plusieurs fois.
Nous utilisons les mots clés et les fiches d'entraînement en faisant de petits contrats. Par exemple "à combien d'erreurs pouvons-nous considérer que tu n'a pas besoin de la fiche d'entraînement?". nous négocions.
Tout se passe bien mais au bout de quelques séances, lorsqu'il commence à mieux décrypter les mots et à tirer bénéfice des séances d'entraînement, je lui propose d'aborder les phrases. C'est trop tôt pour lui. Moi je ne le sais pas, mais lui le sait. Il me demande alors d'attendre pour les phrases et de lire encore et encore les mots. Cela dure 3 mois environ. Il les classe: les méchants et les gentils, ce qui est vivant et ce qui ne l'est pas, ce qu'on trouve dehors et ce qu'on trouve dedans, etc. Il insiste très fortement sur les classements en gentils et méchants ( les mystères) en objets dangereux et non (les chevaliers). je lui tends la perche pour qu'il parle de lui car je sais qu'il a des choses à dire sur la violence. Mais il ne veut pas. Ce n'est pas le lieu pour lui (cela se fera ailleurs). Mais il règle quelque chose et se réconcilie avec les mots oraux et écrits.
Ici, comme nous l'avons vu à plusieurs reprises, l'écrit est venu étayer l'oral. Il avait besoin de cela: classer des mots, travailler les opérations mentales de classification indispensables à la construction des champs lexicaux. Je n'y avais pas pensé, c'est lui qui le demande mais, bien entendu je saute sur l'occasion.
Les personnes qui ont fait le stage ont vu une vidéo avec lui, un an plus tard. Il lit le texte Dino et Bronto.
Ce que je décris ici, tous les orthophonistes le font, bien entendu, chacun à sa façon. Mais pour poursuivre la formation redlec, je vous encourage à le théoriser, à ne pas le faire au hasard à développer votre sens clinique, à être précis sur les contraintes des formats d'exercices que vous proposez. Changez un détail dans la présentation d'un exercice et vous ne travaillerez pas tout à fait la même chose et vous n'aurez pas le même effet.
Cet outil redlec que vous avez acquis et pour lequel vous vous êtes formés ou vous allez vous former, je l'ai conçu pour s'adapter au profil de chaque enfant tout en restant rigoureux. Je l'ai conçu pour qu'il y ait une unité graphique entre les différents éléments afin d'induire chez vos patients le lien et la cohérence entre des tâches qui parfois peuvent sembler éloignées les unes des autres. la cohérence, c'est vous thérapeutes qui la connaissez, c'est par votre interaction et par l'alliance thérapeutique que vous créez avec lui que vous la transmettez à votre interlocuteur.