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Le langage est un geste

Pour Marcel Jousse, la base de la cognition c'est le geste. L'homme est un "récepteur d'interaction". Il reçoit le réel et le rejoue, le mime et l'imite. "Toute conscience est gestuelle, tout jugement est interaction", on ne peut pas dissocier l'expression orale de l'expression globale. la parole est un geste. L'entrée dans l'écrit arrête la mimmo-gestualité, bloque la propension du jeune enfant à "rejouer le réel". L'enfant y perd de la richesse expressive mais y gagne la capacité à accéder à d'infinies abstractions.Tout l'art de l'éducation réside dans la négociation entre perte et gain. Tout l'enjeu de l'apprentissage du langage oral puis du langage écrit est le passage du geste réel au geste mental. Les systèmes d'écriture peuvent se distinguer en deux grandes familles: celles qui dessinent le monde et celles qui le nomment. Celles qui dessinent le monde ont évolué vers un nombre grandissant de signes (idéogrammes), celles qui le nomment ont réduit le nombre de signes (alphabets) pour s'approcher au plus près de l'essence de la parole. Or l'essence de la parole ce sont les phonèmes dont les combinaisons innombrables donnent naissance à toutes les syllabes, tous les mots, toutes les phrases, tous les énoncés possibles dans une langue donnée.Le phonème n'est pas l'élément acoustique, mais l'élément gestuel de la parole. On définit souvent la parole comme un ensemble de sons articulés véhiculant des significations. Inversons la proposition et considérons la parole comme un ensemble de gestes sonorisés véhiculant des significations. L'évolution du langage évolue de la gestualité globale imitative décrite par Jousse au geste sonorisé qui, en se réduisant, gagne en signification par son association aux sonorités, puis au geste figé dans l'écriture qui gagne encore en abstraction en court-circuitant la situation d'interlocution. Nous comprenons alors que chez certains individus en difficulté nous devons refaire le chemin à l'envers. Oraliser la lecture, retrouver le mot non seulement dans sa sonorité mais aussi et surtout dans sa gestualité. Les exercices redlec visent à faire retrouver par l'oralisation les gestes signifiants (phonèmes) codés par le système alphabétique, afin de relier langage oral et langage écrit chez des individus pour qui les deux choses n'ont pas été parfaitement connectés au cours de l'apprentissage ou chez ceux dont on craint des empêchements à le faire (pour des raisons définies par les évaluations diverses).En 1972, une circulaire catastrophique de l'éducation nationale a fortement déconseillé l'oralisation dans l'enseignement de la lecture prétendant que lire à voix haute freinait la compréhension. C'est tout le contraire qui se passe. La lecture silencieuse est le stade ultime, celui où le geste n'est plus nécessaire parce que l'on a atteint un niveau de représentation mentale suffisant. Mais ne court-circuitons pas les étapes intermédiaires nécessaires pour y parvenir. Depuis, l'école a fait marche arrière et les préconisations ont changé. Il reste malgré tout beaucoup à faire, particulièrement dans l'interaction rééducative.


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